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Nathalie Heinich, sur les viols de Mazan : « Non, toutes les femmes ne considèrent pas tous les hommes comme coupables ! »

Le procès des viols de Mazan suscite d’étranges prises de parole : la cinquantaine d’hommes accusés de viol sur une femme inconsciente que leur a livrée son mari y deviennent « les hommes », comme si la partie valait pour le tout et l’individu pour la soi-disant « communauté ». Ainsi cette affaire atroce prouverait-elle que « les hommes » sont tous des « violeurs en puissance », porteurs de la « culture du viol » et agents d’un « patriarcat » tout-puissant qui dicterait encore sa loi, toujours et partout, depuis les bancs du Parlement jusqu’au fond des chambres à coucher. Pis : « les hommes », ainsi réduits au statut de représentants d’une catégorie immuable, seraient forcément « coupables » ; et si ce n’est de viol, c’est au moins « coupables d’être restés indifférents », comme l’écrit la philosophe Camille Froidevaux-Metterie dans Lemonde.fr le 19 septembre : « Oui, tous les hommes sont coupables. »
Voilà qui trahit une étrange conception de la justice, indifférente à la réalité des comportements individuels mais prête à accuser quelqu’un par principe, en raison de son appartenance à une catégorie à laquelle il ne peut rien, en l’occurrence son sexe : soit le déni même du principe de justice qui fonde nos démocraties. Cela s’appelle du sexisme, même si c’est sous la forme d’un sexisme inversé – le « dominant » devenant le coupable. On retrouve là l’équivalent du « privilège blanc » invoqué par les nouveaux militants antiracistes (aujourd’hui « décoloniaux ») pour stigmatiser tous ceux qui sont nés avec la peau blanche.
Un tel raisonnement conduit à inverser les discriminations plutôt qu’à les supprimer : drôle de conception de la justice ! Il conduit aussi à réduire chaque individu à une catégorie dont il serait comptable : drôle de conception des droits de l’homme et de l’idéal universaliste qui guida notre Constitution ! Il conduit enfin à banaliser le crime en relativisant les responsabilités, puisque tous les hommes seraient, par principe, coupables : drôle de façon d’exprimer sa solidarité envers Gisèle Pelicot !
Ce nouvel esprit militant a un nom : communautarisme. Pour peu qu’il se double, comme ici, d’une réduction du monde social et des relations humaines à l’interprétation exclusive par la « domination », il rejoint ce « vigilantisme » qui est devenu la nouvelle norme comportementale, enfermant chacun dans le statut soit de victime, soit de bourreau, et installant un climat de guerre permanente, de suspicion, d’accusations culpabilisantes. Ce « néoféminisme » cauchemardesque s’est approprié le mouvement #meetoo pour en inverser la finalité, passant de la solidarité à la guerre de toutes contre tous, et de la prise de conscience à l’obscurantisme.
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